– par Eric Hamelin, Benjamin Hecht, et toute l'équipe de sociologues, urbanistes et experts en concertation et en participation citoyenne de Repérage Urbain
J’ai passé quelques jours en Espagne, à Cambrils une ville balnéaire Catalane de 33 000 habitants au sud de Tarragone pour un stage de cyclisme. Malgré mes origines familiales, cela faisait bien longtemps que je n’étais pas retourné sur les terres espagnoles et ce, malgré l’inspiration que me procurent les espaces publics de ce pays en tant qu’urbaniste.
Voici donc pêle-mêle quelques aménagements urbains qui m’ont tapé dans l’œil au cours de mon séjour :
1 – De l’utilisation astucieuse d’espaces inutilisés pour étendre les usages du vélo :
Lors de mon voyage, j’ai pris au vol quelques nouveaux services dédiés à la petite reine que j’ai trouvés très judicieux :
2 – Les pistes cyclables dans Cambrils: ou comment côtoyer les standards « hollandais »
A Cambrils, la couleur rouge des pistes cyclables est quasi systématique. Ceci permet de bien distinguer la piste et donc, de limiter les conflits d’usage avec les piétons. Le petit plus ? La limite de vitesse indiquée pour signifier que ce ne sont pas des itinéraires sur lesquels on peut aller vite, notamment en vélo à assistance électrique.
3 – Les pistes cyclables aux alentours de Cambrils et dans le delta de l’Ebre
On peut y circuler à vélo, mais aussi à pied en toute sécurité le long de routes départementales ou très routières. Les revêtements sont agréables et clairs, mais surtout, les itinéraires sont continus le long de la route où les voitures roulent parfois beaucoup plus vite .
3 – Extension du domaine de la zone de rencontre : ou dès qu’il y a un centre, il y a zone de rencontre
Que ce soit dans le centre de Cambrils ou dans les villages isolés que j’ai traversé à vélo, j’ai été surpris par le caractère systématique de ce type d’aménagement. Celles-ci laissent toujours la priorité au piéton, le stationnement est interdit et elles sont aménagées à plat, sans trottoir, avec selon les cas, des plantations de végétaux.. Cela permet de laisser de larges espaces de déambulations mais aussi des aménagements conviviaux : bancs, terrasses… qu’il est possible de traverser en voiture si on est riverains ou pour les livraisons bien sûr.
4 – De la démultiplication des places piétonnes : un espace public vivant et apaisé (et apaisant)
Le centre proche du port est composé d’un jeux de places sans voiture – sauf résidents et livraisons – dédiées à la déambulation et aux terrasses. Il s’en dégage une impression de calme, avec des espaces de balades généreux et de nombreuses terrasses.
5 – Des rues aux usages et aux stationnements clairs, à la vitesse limitée :
De façon plus générale, les usages et le stationnement sont bien marqués dans les rues, la vitesse étant parfois limitée jusqu’à 10km/h.
Il y a d’autres points qui m’ont paru très intéressants, comme les aires de jeux pour enfants à tous les coins de rue ou la végétalisation importante des rues, mais cela sera pour un prochain séjour !
Croyez-vous en un futur où les piétons seraient redevenus, jusque dans les faubourg les plus excentrés ou les villes les plus petites, plus nombreux que les automobiles ? Et si cette vision du futur, bien plus réjouissante finalement que celle de villes envahies de drones-taxis, advenait plus vite et plus fortement que n’auraient osé l’imaginer les plus optimistes des urbanistes favorables à la ville « marchable » ?
Une révolution silencieuse est en marche depuis quelques temps dans l’univers du piéton. Il s’agit de la démocratisation du podomètre. Nul besoin de montres connectées. Désormais intégrés en configuration de base à la plupart des téléphones mobiles au travers d’applis « Santé » telles que Samsung Health ou Google Fit, ou encore téléchargeables en trois clics sur les magasins d’applications, les podomètres se sont discrètement introduits dans la poche ou le sac de tout un chacun, parfois à votre insu. Générant une « motivation à marcher » potentielle, liée au maintien de votre capital santé.
Plus exactement, le moteur d’un renouveau de la marche pourrait être la simultanéité entre l’arrivée de cette innovation dans la poche de presque tous, avec celle désormais largement généralisée de l’usage des applis cartographiques de calcul d’itinéraire, de GoogleMaps à CityMapper en passant par OpenStreetMap, le tout s’additionnant avec les incitations de santé publique à effectuer au moins « 6 000 pas par jours » ou « 10 000 pas par jours » selon les sources.
La marche : meilleur plan pour vous assurer un minimum de capital santé
Chacun connait, désormais, les recommandations d’exercice physique minimal quotidien émises par l’OMS, ou en a au moins entendu parler. Parmi les différentes recommandations, celle de marcher « au moins 10 000 pas par jour » . Même si son attribution à l’OMS parait en partie apocryphe et remonte plus certainement au créateur japonais d’un podomètre dans les années 1960, elle est sans doute celle qui a le plus marqué les esprits par sa simplicité de mémorisation, son chiffre rond, mais aussi par son apparente simplicité de mise en oeuvre : aucun équipement ni terrain particulier n’est nécessaire pour cette pratique physique… hormis le podomètre que nous avons tous désormais dans notre poche.
Ces avantages s’additionnent au fait que la plupart des gens marchent déjà beaucoup sans s’en rendre compte, parfois simplement par le cumul de petites activités quotidiennes, en faisant le ménage, en allant rejoindre un tram ou un métro, en allant chez le boulanger ou en effectuant d’autres courses de proximité, en se déplaçant d’une pièce à l’autre dans leur entreprise ou chez eux, ou même en faisant les 100 pas dans une seule pièce téléphone à la main. Même si ce n’est pas forcément l’idéal médical puisque des « séquences d’exercice » d’une durée minimale sont parfois recommandées, c’est « mieux que rien » comme on aurait dit en 2020 à propos de certains équipements de santé de fortune… Faîtes le test, si vous n’êtes pas travailleur sédentaire et que vous prenez les transports en commun, en gardant votre téléphone sur vous absolument toute la journée avec un podomètre activé en arrière-plan, vous avez toutes les chances de dépasser les 6000 pas par jour sans le savoir…
Ainsi, parmi les différentes possibilités d’exercice physique quotidien, la marche semble bien tenir la corde du « meilleur plan pour vous assurez facilement un minimum de capital santé ».
10 000 pas par jour, ça peut vous emmener loin...
Je ne suis pas sûr que beaucoup de citadins prennent ainsi bien la mesure des distances qu’ils franchissent régulièrement à pieds. 6000 pas, et à plus forte raison 10 000 pas par jour, c’est assez énorme, en termes de distance parcourue. A ce niveau, on devrait considérer la « marche-santé » comme un véritable mode de transports d’échelle urbaine.
Pour illustration, parmi ceux qui tiennent l’objectif de 10 000 pas par jour, leur podomètre leur apprendra que cela correspond à une distance parcourue d’environ 8 km. Soit l’équivalent, par exemple à Paris, d’un aller puis d’un retour de la place du Châtelet jusqu’à l’Arc de Triomphe. Une marche qui équivaut à franchir 16 stations de métro. Ou encore à un aller simple depuis la Gare Montparnasse jusqu’au Parc de la Villette !
A l’échelle d’une métropole régionale, il vous faudrait par exemple vous rendre à pieds depuis le campus de l’Université de Bordeaux à Pessac au sud-est de l’agglomération, jusqu’à la vaste Esplanade des Quinconces au nord du centre-ville de Bordeaux , soit l’équivalent de 17 stations du tram bordelais.
Bien sûr, très peu de gens réalisent de tels trajets d’une seule traite quotidiennement, hors circonstances exceptionnelles telles que les grandes grèves. Néanmoins, un certain nombre de citadins tiennent aujourd’hui leur moyenne de 6000 ou 10 000 pas quotidiens, sur la journée ou en moyenne sur la semaine, en cumulant trajets utilitaires multiples (courses diverses, rendez-vous, allers-retours au travail incluant les jonctions piétonnes avec les transports publics…) et trajets de loisirs (marche au parc ou le long d’un cour d’eau le weekend, déambulation dans des secteurs commerçants…).
Quoi qu’il en soit, l’idée à en retenir me semble être que, si l’on veut atteindre 6, 8 ou 10 000 pas par jour, on a intérêt à marcher beaucoup et donc à choisir la marche « contre » d’autres modes (voiture, trottinette électrique, transports publics…) dans beaucoup de circonstances, au cours d’une journée ou de la semaine.
C’est d’ailleurs mon cas la plupart du temps : malgré le fait que mon agence se situe à seulement 15 mètres de dénivelé de mon domicile (mon bureau est au rez-de-chaussée de mon immeuble d’habitation), je m’efforce de multiplier les motifs de marches, en les complétant fréquemment par une « grève personnelle » du métro le weekend. C’est à dire que je marche volontiers d’un bout à l’autre de la ville (à Paris ou ailleurs), et ma motivation est renforcée par l’aspect ludique d’atteindre mon objectif moyen, que j’atteins sans grosses difficultés ni grandes randonnées… Et en voici la preuve incontestable (si vous m’accordez crédit) avec la capture d’écran de mon podomètre personnel (ci-contre), affichant ma « moyenne hebdomadaire de pas quotidiens » des premières semaines d’août, malgré une certaine canicule estivale potentiellement décourageante…
La marche est le mode de transport le plus rapide… plus souvent qu’on ne le croit
Nombre d’usagers des transports publics urbains choisissent également de renoncer à une correspondance de tram ou de métro, et optent pour 800 ou 1200 mètres de plus à pieds, parfois intuitivement, parfois après avoir comparé sur leurs applis de calcul d’itinéraires les avantages (durées) et inconvénients (pénibilité) des deux solutions.
De plus en plus souvent, certains choisissent également de privilégier la marche pour l’ensemble d’un trajet inter-quartier. La décision arrive après s’être rendu compte de la faible différence de durée entre marche et transports en communs sur cet itinéraire. S’y ajoutent éventuellement la conscience d’agir pour leur forme physique et même leur bien être mental, l’avantage de s’éviter la promiscuité des trams, bus ou métro en heure de pointe (sans même parler de la « glauquicité » spécifique des transports souterrains), ou encore la possibilité de jouir du paysage urbain, activité pour laquelle la marche est et restera de toute évidence le meilleur mode de transport.
En termes de durée, il existe une multitude de trajets et de situations dans les grande villes, sur des distances relativement importantes, de l’ordre de 1 à 2,5km, où le choix de la marche peut s’avérer finalement plus rapide que le choix des transports publics. Le vélo restera plus « rapide » mais admettons que vous n’ayez pas de vélo personnel au moment voulu. Dans ce cas même si vous possédez un abonnement à des vélos en libre service, vous pourriez également considérer la marche comme le moyen « le plus rapide », en tenant compte du temps pour trouver un vélo disponible, du risque de ne pas en trouver du tout, du risque de perdre du temps à trouver où le raccrocher…
Pour exemple, voici quelques trajets pour lesquels, à titre personnel, je choisis sans hésiter la marche, même en cas de pluie. En effet, je me munis la plupart du temps d’un parapluie préventif en ville en fonction de ce que m’indiquent… les applis météorologiques (encore une technologie mobile bénéfique au choix de la marche !).
Premier exemple : Si je souhaite me rendre à Paris-Gare du Nord depuis mon bureau au 210 rue Saint Maur (Paris 10ème), GoogleMaps aussi bien que Citymapper m’indiquent un temps de trajet à pieds de 23 minutes pour 1,8km. C’est un rythme de marche assez soutenu, avec une vitesse moyenne estimée de 4,7km/h, intégrant une estimation des obstacles ralentissants, tels que les traversées d’avenues. Mais en réalité (pour l’avoir souvent parcouru) je mettrai pour ma part un peu moins de temps, en tant que marcheur assez véloce, avec une moyenne dépassant généralement les 5km/h, traversées incluses. Si je choisis les transports en commun, les deux applis m’annoncent des temps de trajet oscillant entre 20… et 25mn si je rate le métro le plus rapproché de mon heure de démarrage. Par conséquent, en y ajoutant le bilan agrément/désagrément, mon choix est fait : Je ne prends désormais plus jamais les transports en commun pour me rendre du bureau à la gare du Nord !
Deuxième exemple : comme le savent certains je me rends souvent à Strasbourg. Lors d’un dernier séjour, j’ai été confronté à un choix équivalent à mon exemple parisien, entre deux rendez-vous. De la place de l’Esplanade à la place de la Cathédrale, mon appli carto (Google Maps, Citymapper n’étant pas disponible sur des trajets strasbourgeois) m’indiquait 1,8km de marche pour 24 minutes. Tandis qu’elle me proposait des trajets en tramway oscillant entre 23 et 27 minutes si je tenais compte des temps d’attentes annoncés pour le tram. Encore une fois : pas d’hésitation, la probabilité de rapidité a joué pour la marche. Et mon rythme de marche étant légèrement supérieur aux estimations de l’appli, je suis même assuré de prendre moins de temps à pieds, sur près de 2km ! Après avoir effectué ce trajet, mon choix a pris la tournure d’une option définitive sur cet itinéraire, en y ajoutant l’agrément de traverser les charmants quartiers historiques de la Krutenau et de la Place Saint-Etienne.
Convergences d’incitations à marcher et croissance de la part de marché de la marche
Ces trois incitations plus ou moins concomitantes ces dernières années ont de plus rencontré ces derniers mois deux incitations complémentaires, temporaires mais poussant à ré-expérimenter la marche longue distance en ville pour plus d’un citadin : La période de grève fin 2019, puis la crainte sanitaire pesant sur certains transports publics avec la pandémie de Covid-19.
Ces cinq causes convergentes semblent ainsi avoir pour le moins généré un fort rebond de la pratique piétonne, pour de véritables trajets en ville, alternatifs à d’autres moyens de transports. Et non plus seulement pour flâner, comme semble le démontrer une enquête réalisée par l’entremise d’une des entreprises spécialisée en calculs d’itinéraires Moovit et citée par le Parisien en août 2020.
L’augmentation de la « part de marché » de la marche à pieds était cependant déjà sensible dans les grandes métropoles ces derniers années, comme on pouvait le constater au travers des résultats comparés des dernières enquêtes « ménages déplacements ».
En Ile-de-France (sur la moyenne régionale et non pas uniquement à Paris) elle est le « mode de transport dominant » en 2018 (celui qui est le plus fréquemment mentionné comme mode de transport principal parmi les différents trajets que chacun effectue chaque jour), et la région a connu un accroissement de 9% des déplacements à pied entre deux enquêtes, la précédente datant de 2010.
Pour donner un exemple de grande métropole régionale, évoquons la région de Strasbourg – sachant que la tendance semble la même dans et autour de la plupart des grandes villes. La marche y a connu une croissance de sa « part modale » (équivalent au concept de part de marché ») très conséquente cette dernière décade, aussi bien en ville qu’en périurbain, avec des gains de 7 à 8 points de pourcentage pour la marche (parmi les différents modes de transports et pour l’ensemble des déplacements quotidiens).
Un mode de déplacement pas considéré à la hauteur de son potentiel ?
On pourrait rappeler en complément, pour se convaincre que la marche a de l’avenir, que 99% des citadins marchent. Seuls les nouveaux-nés ne sont pas concernés, si on considère que les handicapés en fauteuil utilisent les mêmes cheminements que les piétons. A un moment ou à un autre de votre journée : vous marchez !
Cependant, il semble que la marche reste relativement peu considérée dans l’ensemble des politiques publiques de mobilités et de déplacements. Les « plans de relance » de l’économie à différentes époques ont volontiers soutenu des infrastructures de transports en commun à coût de millions (et tant mieux!), mais où sont les millions de l’Etat pour soutenir la piétonnisation de centres-villes ou l’élargissement des trottoirs ? On a bien un plan national vélo mais où est le plan marche national ? On a vu se développer massivement des « coronapistes » cyclables mais rares sont les « coronacheminements » ou « coronarues piétonnes » .
Ne serions nous pas victimes sur ce point d’un milieu professionnel, celui de l’aménagement urbain, qui a longtemps été dominé par une culture de la vitesse, de la technique et de l’ingénierie, mais peut-être aussi de la logique pleine d’a priori d’un certain nombre d’urbanistes péremptoires ?
Mettre en équation l’envie de marcher pour qu’elle soit davantage prise au sérieux comme mode de déplacement ?
Il a en effet longtemps été d’usage, dans le milieu des urbanistes et des techniciens des transports publics, de considérer que le rayon d’action de la marche en ville était intrinsèquement limité. Selon les cas on entendait, quand j’étais jeune arrivant dans le milieu de l’urbanisme, que le rayon de pertinence de la marche se limitait à moins d’1 kilomètre, à moins de 600m, voire à moins de 400m. C’est même cette dernière échelle de référence que j’ai sans doute le plus souvent entendue au début des années 2000. Pourtant elle est quasi grotesque, si on la compare aujourd’hui à nos objectifs podométriques, avoisinant les 8km quotidiens !
Cependant l’idée reçue selon laquelle « au-delà de telle ou telle distance les usagers préféreront la voiture » a la vie dure dans le milieu. Elle ne repose pourtant sur rien, aucune étude statistique ni sociologique sérieuse ne venant la soutenir et, pire, se base sur une généralisation parfaitement abusive qui consiste à considérer que « tout le monde a une voiture ». Rappelons pour commencer que 15,9% des ménages ne possèdent aucun véhicule automobile ( Insee 2018), et que parmi les ménages équipés, rares sont ceux qui disposent d’une voiture par personne adulte. Question de coût élevé, de place pour stationner…. ou tout simplement parce que de nombreux foyers comportent de grands enfants et jeunes adultes, indépendants mais sans permis.
De la même manière que nombre d’urbanistes ont cru pendant longtemps à ces préjugés sur le faible rayon d’action de la marche face à la voiture, il ne faudrait pas, à l’heure du grand renouveau des tramways, des bus en sites propres, des grands itinéraires cyclables, qu’un nouveau préjugé équivalent se constitue en faveur de tous ces transports mécanisés, au dépend, à nouveau, de la marche!
A l’heure des applis et des algorithmes, il paraîtrait peut-être plus intéressant d’étudier finement comment les citadins raisonnent et tranchent entre les moyens de déplacements. Comment ils arbitrent, selon les situations, les conditions de vie, les aménagements urbains et les infrastructures, l’envie, le décor, la météo.
Il y a nécessairement, comme toujours en sciences sociales, des déterminants plurifactoriels d’une imbrication abyssale. On peut néanmoins oser un postulat, à la façon des économistes, d’un « calcul implicite » des citadins, qui pourraient plus ou moins se représenter une combinaison simplifiée d’avantages Temps/Effort/Confort/Plaisir/Coût, entre les différentes alternatives de moyens de déplacements.
Retenons cette simplification… et regardons l’impact potentiel de l’avènement du podomètre et des applis de mobilité, de façon concomitante aux injonctions de santé publique, sur l’équation « envie de marcher » en comparaison à d’autres options de mode de déplacement.
Sur le facteur TEMPS : L’effet de révélation des applis de calculs (GoogleMaps et compagnie), que nous avons évoqué plus haut, peut changer l’évaluation de cette donnée chez un certain nombre d’individus, comme nous l’avons vu. L’amélioration progressive de ces applis pourrait rendre encore plus avantageuse la marche sur d’autres modes, lorsque les désavantages des autres modes seront mieux évalués : Temps d’attentes pour les transports publics, attentes aux feux ou encombrements imprévus pour les véhicules individuels.
Sur le facteur EFFORT : L’effort de la marche est, pour une part des invidivus, peu pénible, comparé au vélo par exemple. Surtout, il est ré-évalué à la baisse aujourd’hui, comme nous l’avons vu, par un certain nombre d’individus qui, conscientisant l’effet bénéfique sur leur santé, minorent le sentiment d’effort, ou du moins en tirent un ressenti positif proportionnel. Pourquoi cette tendance n’irait pas croissante ? Quand on observe le nombre croissant d’individus qui, revenant de leurs trajets en métro ou en voiture, filent dans une salle de sport, ou partent courir sur les trottoirs ou dans les bois, on peut penser que la part d’efforts utiles de déplacements par la marche gardent une belle marge de progression.
Sur le facteur CONFORT : Ce facteur reste lourdement dépendant des aménagements urbains et de ce que l’on pourrait intituler les « aménités piétonnes ». Autrement dit, la qualité des cheminements, leur largeur (on aime mieux marcher au large, en général…), leur fluidité (trop de long feux piétons tuent la marche !), leur esthétique aussi (un joli trajet vous fait oublier l’effort ou le temps consommés pour marcher). Mais il parait évident que, malgré la plus grande attention portée par endroit aux itinéraires cyclables, l’amélioration de la marchabilité et l’idée de « plans piétons » progressent.
Sur le facteur PLAISIR : Ce point de l’équation dépend certes du facteur précédent (confort), mais en y ajoutant, par exemple, la possibilité d’apprécier le paysage, l’architecture ou l’animation urbaine, avec une vitesse lente adaptée à cette observation. On pourrait donc parier, ici, que les politiques de verdissement et de végétalisation des villes qui ont le vent en poupe, ainsi que les politiques de maintien ou de renforcement du commerce de proximité, contribueront à renforcer l’avantage de la marche sur ce point. De plus, là encore, la dimension ludique du podomètre et des applis santé, avec leurs objectifs que l’on se fixe de façon quotidienne ou hebdomadaire, peut constituer une source de plaisir, celle d’atteindre ou d’améliorer son score.
Sur le facteur COÛT, enfin : La supériorité totale et définitive de la marche dans cet élément de l’équation parait acquise. Sauf à rendre les transports en commun totalement gratuits (comme à Montpellier) ou à fournir et entretenir des vélos gratuitement. Cependant, même dans ces deux derniers cas de figure, où les coûts sont reportés sur la collectivité donc dans les impôts, la marche est nécessairement, logiquement, définitivement… le mode de transport le moins cher. Une bonne raison de lui maintenir la note maximum dans l’équation.
Ainsi, en guise de conclusion, ce petit conseil à mes amis urbanistes, et autres « urbanologues » de tous poils :
Il serait judicieux, à l’avenir, de ne plus jamais présupposer arbitrairement que la voiture, les transports en commun, ou même le vélo, devraient l’emporter automatiquement sur la marche dans les choix de mode de déplacement, à partir d’une distance déterminée ou pour tel ou tel type de trajet d’échelle urbaine. Arrêtons les généralisations abusives en matière de sciences sociales territoriales. Et redonnons sa juste place à la marche : Celle de moyen de déplacement le plus universel qui soit !
Eric HAMELIN. Sociologue et urbaniste (et désormais blogueur occasionnel).
… Et, pour la science : N’hésitez pas à me raconter en commentaires, ci-dessous, vos propres expériences de modification de vos usages de marche en lien avec les fonctionnalités des téléphones mobiles. Vous nourrirez ainsi nos prochaines réflexions sociologiques et prospectives sur ce sujet !
Si l’on imposait, au niveau national, des directives pour le dé-confinement, dans le domaine des voiries urbaines, on pourrait croiser les initiatives parisienne et strasbourgeoise, en généralisant les 3 principes suivants.
1. Que la « zone de rencontre » (limitée à 20km/h) deviennent « la règle générale » dans les centres-villes.
A l’exemple de l’initiative strasbourgeoise pour les déplacements (concernant pour l’instant seulement la partie insulaire du centre ville, voir article en lien ci-dessous) :
Il serait judicieux dans la situation actuelle que la « zone de rencontre » (limitée à 20km/h avec accès libre aux piétons et vélos sur toute la chaussée, avec priorité des piétons, puis des vélos, sur les véhicules motorisés) deviennent « la règle », et la voirie à priorité automobile l’exception. De façon à s’assurer sur tout le territoire un rééquilibrage par rapport à l’avantage concurrentiel momentanée qu’acquiert la voiture en matière de sécurité sanitaire individuelle, en donnant au contraire un avantage de confort spatial et de priorité aux piétons, sur absolument toutes les petites rues et voiries secondaires.
La démarche pourrait également et bien sûr être complétée par la définition de « priorités cyclables » sur un nombre suffisant de grands axes permettant de distribuer toutes les grandes directions, selon le principe des « vélorues », très faciles à mettre en oeuvre, afin de faciliter les trajets à plus grande distance et vitesse pour les vélos. Le principe consiste à ce que les vélos aient simplement le droit de se tenir en milieu de chaussée et conservent la priorité sur toute cette chaussée, sans pour autant avoir besoin d’interdire les autres véhicules motorisés.
Un exemple de « vélorue » à Lille (pour changer) : https://auto.bfmtv.com/actualite/lille-inaugure-sa-premiere-velorue-1844805.html
2. Que les stationnements puissent partout se transformer en terrasses
Al’exemple du projet parisien pour les commerces, il serait utile que tous les restaurateurs de France obtiennent un « droit à l’extension de terrasse » pour les commerces deviennent la règle, sur les places de stationnements ainsi que sur la chaussée, jusqu’à 5m par exemple, et que la limitation de ce droit soit l’exception (quand par exemple deux commerces se font face, dans une rue mesurant moins de 16m, soit 5+5m et 6m laissés libres pour les déplacements des piétons, vélos ou véhicules)
Cela pour permettre aux cafés et restaurants d’espacer fortement leurs tables en repartissant certaines d’entre elles à l’extérieur, sans perdre un trop grand nombre de couverts ou de places, lorsqu’ils pourront rouvrir.
Par chance il se trouve que leur réouverture se fera en saison chaude.
3. Que le les autres types de commerces obtiennent également un « droit aux terrasses »
Sans en avoir encore d’exemple mis en oeuvre, eu égard aux pertes de chiffre d’affaires essuyées au printemps 2020 pour cause de confinement, il serait bon que le droit à une terrasse soit étendu à tous les types de commerces, sous forme d’étalage – car le fait de pouvoir présenter quelques articles ou étalages en extérieur pourraient peut-être faciliter la reprise d’activité d’un certain nombre de commerçant, sachant que la plupart devront limiter le nombre de clients simultanés en intérieur (et sachant que les espaces « confinés » semblent plus susceptibles de favoriser la contagion par « aérosols » c’est à dire par concentration dans l’air de gouttelettes volatiles, si l’on a bien compris les dernières études épidémiologiques…)
(EDIT Juin 2020 : )
Pour compléter ce bref billet, je vous offre ici un petit aperçu de quelques unes des sympathiques terrasses, parfois très créatives, que j’ai pu observer en cette fin de printemps sur des places de stationnements parisiennes et franciliennes. De quoi donner envie de prolonger l’initiative… perpétuellement !
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