– par Eric Hamelin, Benjamin Hecht, et toute l'équipe de sociologues, urbanistes et experts en concertation et en participation citoyenne de Repérage Urbain
J’ai passé quelques jours en Espagne, à Cambrils une ville balnéaire Catalane de 33 000 habitants au sud de Tarragone pour un stage de cyclisme. Malgré mes origines familiales, cela faisait bien longtemps que je n’étais pas retourné sur les terres espagnoles et ce, malgré l’inspiration que me procurent les espaces publics de ce pays en tant qu’urbaniste.
Voici donc pêle-mêle quelques aménagements urbains qui m’ont tapé dans l’œil au cours de mon séjour :
1 – De l’utilisation astucieuse d’espaces inutilisés pour étendre les usages du vélo :
Lors de mon voyage, j’ai pris au vol quelques nouveaux services dédiés à la petite reine que j’ai trouvés très judicieux :
2 – Les pistes cyclables dans Cambrils: ou comment côtoyer les standards « hollandais »
A Cambrils, la couleur rouge des pistes cyclables est quasi systématique. Ceci permet de bien distinguer la piste et donc, de limiter les conflits d’usage avec les piétons. Le petit plus ? La limite de vitesse indiquée pour signifier que ce ne sont pas des itinéraires sur lesquels on peut aller vite, notamment en vélo à assistance électrique.
3 – Les pistes cyclables aux alentours de Cambrils et dans le delta de l’Ebre
On peut y circuler à vélo, mais aussi à pied en toute sécurité le long de routes départementales ou très routières. Les revêtements sont agréables et clairs, mais surtout, les itinéraires sont continus le long de la route où les voitures roulent parfois beaucoup plus vite .
3 – Extension du domaine de la zone de rencontre : ou dès qu’il y a un centre, il y a zone de rencontre
Que ce soit dans le centre de Cambrils ou dans les villages isolés que j’ai traversé à vélo, j’ai été surpris par le caractère systématique de ce type d’aménagement. Celles-ci laissent toujours la priorité au piéton, le stationnement est interdit et elles sont aménagées à plat, sans trottoir, avec selon les cas, des plantations de végétaux.. Cela permet de laisser de larges espaces de déambulations mais aussi des aménagements conviviaux : bancs, terrasses… qu’il est possible de traverser en voiture si on est riverains ou pour les livraisons bien sûr.
4 – De la démultiplication des places piétonnes : un espace public vivant et apaisé (et apaisant)
Le centre proche du port est composé d’un jeux de places sans voiture – sauf résidents et livraisons – dédiées à la déambulation et aux terrasses. Il s’en dégage une impression de calme, avec des espaces de balades généreux et de nombreuses terrasses.
5 – Des rues aux usages et aux stationnements clairs, à la vitesse limitée :
De façon plus générale, les usages et le stationnement sont bien marqués dans les rues, la vitesse étant parfois limitée jusqu’à 10km/h.
Il y a d’autres points qui m’ont paru très intéressants, comme les aires de jeux pour enfants à tous les coins de rue ou la végétalisation importante des rues, mais cela sera pour un prochain séjour !
C’est bientôt Noël et nous nous apprêtons, pour beaucoup, à offrir sciemment tout un tas d’objets très « accessoires »…
Dans le domaine de la participation citoyenne en urbanisme, le terme « accessoire » pourrait, également, évoquer de prime à bord cet adjectif métaphorique qui signifie « plus ou moins inutile ». Comme lorsque l’on entend des phrases du type : « la participation du public, c’est un peu accessoire. On doit d’abord concevoir des pistes de projet bien tranchées, avant de consulter la population, sinon ça n’intéresse personne ! ». Autrement dit, le terme « accessoire » rapproché des mots « concertation » ou « participation citoyenne » pourrait faire allusion à la considération relativement limitée que certains, dans les sphères décisionnelles, semblent parfois accorder aux démarches de concertation et de débat avec les populations. Heureusement, cette posture se rencontre de moins en moins souvent… Mais là n’est pas l’objet de cet article illustré.En effet, dans un esprit de noël bien matérialiste, nous évoquerons ici uniquement la version non métaphorique de la notion d’accessoire.
Voici donc, pour changer des conseils cadeaux de fin d’année, un petit tour d’horizon en images des innombrables « accessoires » matériels que nous avons en stock et qui nous servent quasiment au quotidien, à moi et à toute l’équipe de sociologues de Repérage Urbain dans nos activités de concertation, pour stimuler, faciliter, et parfois simplement rendre possible l’expression des publics d’habitants et usagers. Vous le verrez, notre agence est, parfois, une véritable caverne d’Ali Baba !
Famille d’accessoires « concertation ambulante »
Un premier groupe d’objets, dont la quantité a tendance à croitre dans nos stocks, est constitué de diverses machines connectées au web et susceptibles d’être facilement transportées : tablettes PC, téléphones 4G, PC tactiles légers, de divers formats. Elles nous permettent d’aller vers les publics avec des outils numériques de concertation que nous concevons par ailleurs : Cartes participatives, questionnaires de toutes sortes, jeux de simulation de plan… Nous aurions pu, aussi, l’intituler famille « phygitale » , puisque ces accessoires nous permettent de faire participer des publics en face-à-face (participation « physique »), sur des outils qui sont dans la plupart des cas également ouverts à la participation en ligne (participation « digitale »).
Dans le registre de la « techno-mobilité », nos tiroirs recèlent quelques autres gadgets : kits mains-libres indispensables pour une saisie vocale rapide de ce que nous racontent les habitants ; micro et haut parleur ambulant utiles à l’organisation de visites-débats, mini-camera « Steady » adaptée pour filmer en mouvement et restituer joliment des démarches de « randonnées participatives » que nous affectionnons particulièrement.
Enfin, dans un style un peu plus rétro d’outils mobiles, nous conservons dans nos locaux une réserve d’accessoires pour enquête de terrain avec supports papiers : planches à écrire à pinces et sacs en toile, qui permettent de transporter et collecter debout moultes réponses à des questionnaires imprimés, en pleine rue comme en porte à porte. Nous les utilisons cependant de moins de moins en moins souvent, eu égard à nos usages « phygitaux » évoqués plus haut. Mais ils ne se rangent pas encore dans la catégorie des accessoires « obsolètes » (voir plus bas).
Famille d’accessoires « voyage-voyage »
Dans le registre de la « mobilité » de nos interventions, nous vous présentons ici – ci-dessus en bleue – notre célèbre « valise de la concertation » (célèbre… au sein de notre équipe uniquement, jusque là du-moins !). Elle est ici accompagnée d’autres empaquetages de voyage que nous avons dans nos placards, afin d’être toujours prêts au départ, avec tous les accessoires nécessaires, vers les très divers territoires où nous offrons nos services. La concertation territoriale peut donc, aussi, être aussi une affaire de bagages.
Pour bien voyager sans abimer des supports imprimés utiles aux débats urbanistiques (fonds de plan, cartes des territoires, affiches ou autres documents participatoires), un bon « concertateur public » se doit également d’être équipé des quelques accessoires du type de ceux ci-dessus : tubes à plan et portes documents de tous formats.
Dans le domaine des déplacements sub-régionaux, ajoutons le « vélo pliable de Benjamin » , qu’il a généreusement mis à disposition dans nos locaux collectifs. L’engin prend occasionnellement le train avec certains d’entre-nous, pour rejoindre en bout de ligne des destinations éloignées des transports en commun. Mais les véhicules individuels – y compris vélos – font chez nous plus généralement l’objet de locations, à proximité de nos destinations.
Nous pourrions d’ailleurs ajouter dans cette famille « voyage », des accessoires désormais dématérialisés – donc sans images à vous présenter ici – que chaque membre de notre équipe possède afin de modérer nos bilans carbone comme comptable : Les abonnements « SNCF Liberté » !
Famille d’accessoires « aléas climatiques«
Quand des rendez-vous avec les populations sont inscrits à nos agendas, il n’est plus possible de reculer même si le temps s’annonce mauvais. Il n’est pas question, non plus, de renoncer à toute démarche de plein air à la rencontre des habitants, dès qu’arrivent les premiers frimats. Nous possédons ainsi une réserve d’accessoires adaptés aux différents aléas.
Les « gants tactiles » sont chez nous des tenues de fonction fournies par l’entreprise, afin de pouvoir réaliser correctement des saisies de questionnaires numériques et autres insertions sur cartes interactives, même en plein hiver. Les parapluies, sont les outils de base d’une démarche consistant à aller vers les habitants même par temps de pluie, plutôt que de rester bloqué sous-abris. Nous en achetons régulièrement par lots, et les égarons souvent, naturellement. Comme il en faut parfois suffisamment pour en prêter aux citoyens, par exemple lors de déambulations, nous en stockons désormais plus de 40 unités ! En complément, nous avons également fait l’acquisition de différentes capes de pluies, pérennes ou jetables, pour ne jamais devoir renoncer à une randonnée participative.
Un dernier accessoire « climatique », que nous ne possédons qu’en un seul exemplaire car fort difficile à transporter, reste pourtant indispensable : Le « barnum » ou « tonnelle » ou « abri dépliable » selon divers jargons. Mais les collectivités pour lesquelles nous intervenons en disposent heureusement de façon quasi-systématique et nous les mettent souvent à disposition. Quand ils sont joliment colorés – comme dans le cas du barnum strasbourgeois ci-dessus -, ils contribuent également avec force au volet « mobilisation et visibilité » que j’illustre plus bas.
Famille d’accessoires « Outils d’expression »
Dans nombre de situations, les indispensables stylos sont les premiers outils d’expression à mettre à disposition du public sans rechigner. Il est absolument nécessaire d’en apporter en grande quantité pour une participation « de masse », en salle notamment. C’est à dire lors d’une rencontre publique où, à l’inverse de la « réunion publique à l’ancienne », l’on invite habitants, élus ou acteurs à se répartir autour de grandes tablées et à se saisir de différents moyens pour que tout un chacun puisse s’exprimer, notamment par écrit.
Nous consommons ainsi les stylos en grande quantité, en raison de leur disparition fréquente lors de ce genre de rendez-vous. Si bien que nous avons fini par en commander quelques grosses quantités, estampillés au nom de notre agence (à la jolie couleur bleue ci-dessus). Ainsi , à défaut de les récupérer intégralement en fin de réunions, nous pourrons nous réjouir d’avoir laissé un bon souvenir dans les poches de nos participants.
En compléments des stylos, nous avons toujours d’avance nombre d’autres accessoires de papeteries, qui peuvent paraître anodins mais qui recèlent un fort pouvoir de canalisation de l’expression : feutres noirs et colorés en nombre, post-it de toutes couleurs et tous formats – dont le fameux format « post-it bulle » quasi introuvable renvoyant au design de notre outil numérique Debatomap -, gommettes rouges, vertes et diverses, étiquettes autocollantes personnalisables… En fonction des méthodologies de débats plus ou moins sophistiquées que nous déployons, tous ces modestes gadgets permettent, avec un peu de méthode, d’impulser l’expression des habitants, de faire s’exprimer des préférences, d’accumuler et de classer des idées ou avis, de localiser des souhaits ou encore de faire tracer des envies.
Famille d’accessoires « Mobilisation et visibilité »
Pour mobiliser des habitants, il vous faut de toute évidence avoir, dans vos bureaux, a minima ces trois types d’outils de petite imprimerie : Plastifieuses A3 et A4, imprimante A3 couleur laser pour imprimer vite et grand, massicot pour démultiplier les petits formats. Il devient ainsi plus facile de créer des tracts, des affiches annonçant un rendez-vous de concertation, des QR codes pour inciter à participer en ligne, des images d’exemples d’aménagements à soumettre aux appréciations, bref des supports de mobilisation et d’expression divers, parfois plastifiés pour être réutilisables sur une journée ou plus.
En revanche nous avons recours aux services de partenaires pour les plus grands formats (A1, A0), pour de très grandes quantités (boitages), ou pour les formats très cartonnés (tels que les « cartes postales de souhaits » en photos ci-dessus). Nous profitons le plus souvent des très grandes imprimantes de nos excellents voisins de Fadora copie , mais aussi des « traceurs » (imprimantes très grand format) de nos clients collectivités ou de nos partenaires architectes.
Dans un but simple et pur d’attirer l’attention des passants, lorsque nous installons des stands de concertation, nous avons souvent recours, en plus des affichages classiques (caliquots, barnum…), à des accessoires secondaires de visibilité tels que ceux ci-dessus : fanions, caliquots, ballons gonflés à l’hélium…
… Et pour attirer l’attention des chalands, notamment des familles, il est aussi de bon ton de prévoir bonbons, cafés, boissons, biscuits, et pourquoi pas un peu de décoration en rapport avec la saison.
Pour installer des stands ou divers « ateliers debout » d’expression, les autres accessoires en vrac ci-dessus sont également d’une fréquente utilité, et il vaut mieux en avoir toujours dans les tiroirs : Ciseaux, ficelles, élastiques, rouleaux de scotch de tous types… et les très précieuses pinces à linges, qui nous ont souvent permis d’inventer des étapes d’expression prenant des allures d’expositions (plus ou moins) improvisées.
En matière de visibilité, enfin, nos sociologues se font généralement identifier, et font incidemment reconnaître leur posture de « tiers modérateur » grâce à de simples badges tels qu’on en voit dans les salons, identifiant nos noms et la nature de nos interventions (sociologie – concertation).
Famille d’accessoires « Jouer pour participer »
Au rayon des accessoires que nous sommes fiers d’avoir, abordons les quelques jeux et jouets dont l’utilité dépend des circonstances du projet qu’il s’agit de soumettre à la réflexion des habitants. Les cubes lego, dont nous disposons d’une certaine quantité, permettent d’aborder des questions de densité, de volumes bâtis, et pas seulement avec des enfants, puisqu’ils offrent un rapport de proportion presque parfait pour simuler des étages et des mètres carrés.
Nous avons également accumulé une panoplie de fausses monnaies et petites calculatrices de caissiers, qui permettent d’injecter quelques exercices de sensibilisation aux budgets de projets, dans le cadre d’aménagements à programmer collectivement.
Enfin nous avons acheté divers cadres et chevalets qui, en les complétant de feutres permettant de dessiner sur les vitrages protégeant des photos de quartier, nous permettent d’ajouter une autre dimension ludique à certaines démarches de participation.
Famille d’accessoires « grandeur nature »
Une famille d’accessoires assez nouvelle et en cours d’expansion chez nous, est constituée de plots colorés, de fanions-drapeaux, de bombes à peintures sur herbes. Il s’agit de divers outils qui nous permettent, à certains stades d’avancement des réflexions, de matérialiser sur un terrain quelconque des dimensions réelles de possibles aménagements, avec des riverains ou habitants. Dans ce registre de « préfiguration » d’aménagements futurs, d’autres accessoires de bricolage tels que perceuses, visseuses, télémètres (pour mesurer des grandes dimensions) sont également déjà en notre possession, prêts à collaborer avec des partenaires de chantiers participatifs tels que les compagnons bâtisseurs.
Famille d’accessoires « obsolètes »…
Achevons ce tour d’horizon par quelques accessoires en trés grande partie obsolètes, et qui trainent encore sur nos étagères : dictaphones et appareils photos, tampon modifiable et relieuse. Avouons-le, ces objets que nous n’osons pas jeter ont été rendus obsolètes par l’intégration des mêmes fonctionnalités dans nos téléphones mobiles pour les uns, par la généralisation des documents dématérialisés pour les autres. Promis au recyclage, un de ces jours, nous les utilisons encore à de rares occasions (surtout l’appareil photo à vrai dire).
J’aurais pu terminer cet article illustré par une famille d’accessoires « On ne les a pas encore » (Le vélo cargo de concertation ? Les tables pliantes faciles à porter ?), ou une famille d’accessoires « finalement ça ne nous a jamais servi », tels que les « fats boys » (canapés plus ou moins gonflables achetés par un de mes associés), ou les pailles jetables en papier (achetées par moi-même un jour, séduit par l’objet sans trop savoir à quoi elles serviraient ; moralité : jusqu’ici à rien…).
Mais je n’épiloguerai pas plus longuement sur tous ces accessoires de concertation, qui ont de toute façon vocation à être perpétuellement renouvelés, réinventés, complétés, et souvent créés. Je vous livrerai en conclusion cette simple réflexion : pour bien réussir votre concertation, pensez bien à tous les petits détails qui conditionneront et faciliteront les possibilités d’expression. Ou du moins, essayez !
Il y a ces derniers temps une tendance que notre agence rencontre de plus en plus souvent, du côté des villes et collectivités souhaitant concerter sur tel ou tel projet avec ses habitants : la « tentation du petit panel ». C’est à dire la tentation de mobiliser un « groupe réduit de citoyens », souvent très réduit (5 ou 10 personnes à l’échelle d’un quartier, 10 ou 15 ou 20 personnes à l’échelle d’une ville ou d’une agglomération) plutôt que d’ouvrir le débat largement et à toute la population de façon volontariste.
Il y a pourtant plusieurs types de raisons de dissuader les pouvoirs locaux d’avoir recours à des « panels citoyens » réduits et fermés pour tenter de résoudre des dilemmes d’aménagement. Voici 8 raisons cumulatives pour lesquelles, selon moi, s’en remettre à un groupe de 10 ou 15 habitants pour chercher des compromis ou valider des choix d’aménagements est tout simplement une mauvaise idée :
1. Mathématico-statistique : un tel panel est bien trop réduit pour être représentatif de la variété des profils et postures d’une population variée. Notez bien que cela reste valable sur le plan statistique quelle que soit la taille de la population globale concernée par le projet (quartier, ville, agglomération… sauf quartier limité à une poignée de logements). La pratique et la statistique plaideraient donc pour un échantillon minimal d’au moins 100 personnes dans ce type de projet et de territoire… Taille de panel qu’il est naturellement impossible à mobiliser de façon répétée. Ce qui démontre d’ailleurs en retour qu’un panel de petite taille a toutes les chances d’être biaisé dans sa composition, puisqu’il tendra à filtrer des personnalités nettement plus mobilisables ou motivées que la moyenne des populations qu’il est censé représenter (voir aussi point 7 plus bas).
2. Stratégique (au sens de l’intérêt politique de la collectivité) : La mobilisation d’un « panel » n’est pratiquement jamais reconnue par une population élargie comme étant une démarche valable de démocratie participative, de concertation ou d’écoute. Nos retours d’expériences sont innombrables là-dessus (avec des « conseils citoyens » des « conseils de quartiers » et autres « panels citoyens » réduits, très souvent délégitimés par le reste de la population). Par conséquent, pour obtenir l’adhésion d’une large population, il vaut mieux lui laisser le « droit à la parole » de la façon la plus ouverte et la plus large possible, tout au long du processus.
3. Juridique : Un panel de « 10-15 personnes », s’il était au centre des principales démarches de concertation mises en œuvre, ne saurait en aucun cas répondre aux obligations légales, notamment en réponse aux exigences soulignées dans l’article L103-2 du code de l’urbanisme, puisque cet article souligne la nécessité d’associer « les habitants, les associations concernées et les autres personnes concernées pendant toute la durée du projet ».
4. Méthodologique : La « tentation du panel » répond vraisemblablement, dans la plupart des cas, à une idée (erronée d’après mon raisonnement) selon laquelle, en travaillant en petit groupe avec différents profils d’habitants/usagers on va pouvoir, plus facilement et dans un dialogue apaisé, dégager les « bons compromis » ou valider des « options consensuelles » qui conviendront ensuite au plus grand nombre. C’est faux. Notamment pour la raison 1 : Le panel est par constitution forcément biaisé ; mais aussi pour la raison 2 : le choix validé par un micro-panel a toutes les chances d’être contesté par des groupes de populations ne se sentant pas représentées du tout par celui-ci ; et encore 3 : la légitimité de l’écoute disproportionnée accordée à un tel micro-panel étant plus que contestable, les recours juridiques peuvent tenter n’importe quels types d’insatisfaits ensuite.
5. Démocratique en lien avec le « droit à la parole » : Par suite du point ci-dessus, on devrait également prendre conscience que toute tentative de restreindre l’écoute à un groupe « fermé » d’habitants constitue, par extension, une restriction du droit à l’expression du reste de la population. Par conséquent, la focalisation sur un panel délimité, indépendamment des questions de représentativité, est une négation du « droit à la parole » de l’ensemble des citoyens sur un projet qui les concerne. Droit à la parole, pour tous, qui me parait pourtant la base de toute notion de « démocratie participative » et de « concertation publique » (y compris telle qu’inscrite dans le droit de l’urbanisme, voir point 3).
6. Démocratique (bis) avec un « effet doublon » : L’idée d’un « panel représentatif », bien délimité, appelé à s’exprimer aux différentes étapes de l’élaboration d’un projet, ça ne vous rappelle rien ? Hé oui, ça peut rappeler, au choix : les conseils de quartier (obligatoires dans les communes de plus de 50 000 habitants), le conseil citoyen (obligatoire autour des projets financés par l’ANRU et dans les quartiers défavorisés dit « politiques de la ville »), le conseil d’arrondissement ou… le conseil municipal ! Bref, un « panel limité de citoyens mobilisés sur la durée » (formulation que j’ai pu lire quasi telle quelle dans des dossiers d’appel d’offres pour des démarches de concertation), est finalement une sorte de calque du modèle « représentatif » de la démocratie. L’idée semble répondre à l’espoir, pour certains élus ou techniciens de collectivités, de retrouver un modèle de débat qu’ils connaissent bien et comprennent mieux, plutôt que de soumettre un projet à un débat avec les masses, processus parfois vu comme hasardeux voire effrayant. Bref, le « panel limité de citoyens » fait généralement doublon avec des instances représentatives existantes, et c’est tout sauf de la « concertation publique ».
7. Méthodologique (bis) avec un « biais de mécontentement » : Un « panel d’habitants » risque tout d’abord de reproduire les mêmes difficultés de motivations que les instances bénévoles évoquées ci-dessus : Il est très difficile de mobiliser des personnes sélectionnées au hasard, de façon prolongée. Certaines instances s’avèrent même tout à fait impossibles à maintenir en fonctionnement, par défection progressive des participants, comme l’ont montré notamment les nombreuses déconvenues rencontrées par les conseils citoyens (voir point précédent). Par ailleurs, si un panel se maintient dans la durée, sur une base purement bénévole, il y a de forts risques que les seules catégories d’individus qui acceptent d’y participer soient motivées avant tout par une certaine hostilité ou opposition : hostilité vis-à-vis d’un projet dans une optique « pas près de chez moi » (ou NIMBY) ; ou esprit d’opposition à une municipalité en place. Ainsi, la composition d’un panel bénévole a de fortes chancesde subir subrepticement ce que j’appellerais le « biais de mécontentement » … c’est à dire que seuls des individus potentiellement dérangés par une hypothèse d’aménagement urbain finissent par accepter, en bout de course, de s’engager dans un processus de participation répétée. Quand bien même ils représenteraient des tranches d’âges et des profils socio-professionnels variés.
8. Economique : Enfin, n’oublions pas que ces concepts de « groupes réduits de citoyens » sont manifestement inspirés de méthodes d’études marketing. On pense notamment à la technique des focus group, qui réunit un petit groupe de consommateurs autour de nouveaux produits ou de nouvelles campagnes publicitaires, afin d’étudier leurs réactions collectives. Il faut donc avoir conscience que ces méthodes sont, à la base, essentiellement conçues pour vous faire avaler des yaourts… Et pas pour vous permettre de donner votre avis ou participer à l’élaboration d’un projet d’intérêt collectif.
Quelques conclusions …
En conséquence de ces différentes réflexions, selon moi, toutes méthodes de consultation massive et large de la population, à l’opposé de la dimension frileuse du « micro-panel », donneront vraisemblablement des éléments d’aide à la décision et des pistes de compromis nettement plus acceptables par la masse des citoyens ensuite, même si elles restent moins détaillées qu’un projet « co-conçu » avec précision avec 10 personnes. Des pistes de décision issues d’un minuscule échantillon de population, quand bien même ce dernier aurait travaillé de façon très approfondie et répétée pour exprimer une position commune, ne peuvent en aucun cas garantir ni la représentativité, ni l’acceptabilité par la population dans son ensemble.
Pour peu que l’on sache et que l’on se donne la peine de traiter avec sérieux et rigueur une masse d’avis et d’opinions que l’on collecte (avec des traitements à la fois qualitatifs et quantitatifs, des analyses sémantiques, thématiques, etc.), ET pour peu que l’on communique clairement à la masse les conclusions de cette consultation de masse, cela peut permettre, le plus souvent d’assoir plus confortablement la légitimité de choix d’aménagements pris au regard de ces données. C’est en tout cas, pour notre part, ce que nos retours d’expériences prouvent assez largement, avec de nombreux retours favorables des populations, quand nous les impliquons dans nos consultations et démarches participatives massives, restant ouvertes à tous quoi qu’il en coûte… Il ne me parait donc y avoir aucune raison sérieuse de « fermer » des débats au sein d’un groupe réduit d’individus, pour des projets concernant tout un chacun dans son cadre de vie de proximité, dans sa vie quotidienne, voire dans ses intérêts immobiliers directs (cas des « riverains » d’un projet, dont aucun ne peut être exclu des discussions par avance, sans pour autant qu’ils ne soient les seuls à être légitimes en fonction de l’enjeu).
… Et une comparaison
En revanche, je ne prolongerai pas outre mesure cette réflexion à une autre échelle, et sur d’autres matières que celle des projets urbains. L’exemple de la « convention citoyenne pour le climat », avec un « panel » de citoyens nettement plus important que ceux que j’évoque ici, a sans doute apporté, à la fois, de l’eau à mon moulin « sceptique » quant aux panels restreints de citoyens, et des arguments aux partisans des « jurys citoyens » à tout va.
Parmi les défauts de la démarche, la taille d’échantillon était nettement insuffisante à mon sens, eu égard à la diversité des populations à l’échelle nationale, et je soutenais plutôt, à l’époque du « Grand débat national », des « forums citoyens » qui auraient regroupé au moins 1500 personnes nationalement, et représenté de façon équitable les différentes régions, départements et types de territoire concernés par les problématiques environnementales, ces dernières étant très souvent imbriquées dans des questions territoriales. Au minimum, on peut se demander pourquoi cette convention citoyenne n’a réuni que 150 personnes, alors que l’Assemblée Nationale, par exemple, compte déjà presque quatre fois plus de membres pour « représenter » le même territoire. Par ailleurs, il y a vraisemblablement eu quelques « filtres » ou « biais » involontaires dans le processus de recrutement. Cela fait que, au delà du nombre de participants, on peut douter de la parfaite représentativité des participants, notamment en termes d’opinions politiques. Cependant ici les participants étaient « défrayés », c’est à dire en réalité rémunérés. Ce qui permet en partie de répondre à l’écueil n°7 évoqué plus haut, celui de la motivation à participer.
Côté points positifs de la démarche, elle a pu démontrer qu’il était possible de produire une forme d’intelligence collective avec un nombre de personne déjà relativement élevé. Elle a aussi montré, contrairement à ce que croient nombre de militants insuffisamment attentifs, qu’une telle démarche collective pouvait inspirer de façon constructive un grand nombre d’évolutions législatives. Certes les suggestions de la convention n’ont pas été appliquées « sans filtre » , comme l’avait dans un premier temps annoncé E. Macron. Mais cet objectif affiché initialement était sans doute déraisonnable, et certainement moins démocratique qu’un processus itératif remontant par étape d’une démarche « participative » vers un processus législatif plus classique, laissant la main pour finir à l’Assemblée Nationale.
Quoi qu’il en soit, une telle convention n’est donc pas de la même dimension ni de la même nature que les minuscules « panels d’habitants » locaux que j’évoque plus haut.
Interview d’Eric Hamelin et de Benjamin Hecht, par Elise Mathis-Aide (étudiante en Master 2 Science politique – Affaires Publiques, Ingénierie de la Concertation, à Paris 1 Panthéon – Sorbonne).
(Cette interview a été réalisée avant le confinement du printemps 2020. Le second tour des élections municipales ayant été retardé de trois mois, la démarche se poursuit à titre expérimental jusqu’à l’automne).
« Partir d’un petit bout de trottoir pour élever le débat », c’est ainsi que Eric Hamelin, sociologue urbaniste, décrit l’ambition de la démarche participative Debatomap 2020 dont son bureau d’étude Repérage Urbain est à l’origine, et qui a été déployée début 2020 sur sept agglomérations françaises en partenariat avec des médias locaux.
L’opération s’appuie sur l’outil participatif en ligne Debatomap’ (anciennement Carticipe), prenant la forme d’une carte interactive sur laquelle tout un chacun peut exprimer une idée sur sa ville, soumettre des propositions, ou simplement réagir à celles des autres participants.
« Installer des bancs ici » ou « Végétaliser les places et lutter contre la chaleur urbaine », « faciliter la traversée de cette rue… » ou « Rendre la ville aux piétons », « Installer une pompe à vélo publique » ou « améliorer les continuités cyclables sur l’ensemble de l’agglomération » , avec aujourd’hui près de 3300 contributions (idées et commentaires confondus) pour un peu plus de 1400 inscrits, la plateforme sert autant l’expression de besoins très concrets que la mise en discussion d’enjeux à une échelle plus large. Une posture qui se retrouve dans le choix des sept agglomérations où la plateforme est disponible, offrant une représentation de la diversité des réalités urbaines. Ainsi, Paris et la métropole du Grand Paris illustrent le cas d’une mégalopole, Lyon et Aix-Marseille celui de puissantes et vastes métropoles ; Strasbourg en tant qu’Eurométropole, donne un exemple de métropole frontalière ; Bordeaux celui d’une métropole en plein essor démographique, et enfin Bourges et Agen des exemples de villes moyennes.
Quel a été le point de départ de cette démarche ?
Comment les utilisateurs s’en saisissent et pour quelles suites ?
Plusieurs questions ont été posées au duo d’associés de Repérage Urbain, Eric
Hamelin et Benjamin Hecht, pour appréhender la portée d’un tel projet, connaître
sa genèse, et comprendre les apports de leur outil aux débats sur les
problématiques urbaines actuelles.
Parlez-nous de votre outil
cartographique, quelles ont été les motivations derrière sa création ?
L’outil a été développé au départ pour favoriser l’expression du public dans le cadre de l’élaboration de plans locaux d’urbanisme. Nous estimions qu’il fallait que les citoyens soient, non pas capables de comprendre tous les enjeux techniques d’un PLU avant de pouvoir s’exprimer, mais plutôt qu’il nous appartenait à nous, les professionnels, les urbanistes, les techniciens, de leur offrir un moyen simple de manifester leur ressenti ou leurs idées sur le territoire. Le site est structuré de la façon suivante : un fond de carte numérique s’affiche, sur lequel il est possible d’exprimer librement une idée, le seul cadrage étant une structure en thématiques, représentées par des couleurs, et en sous-thématiques, représentées par des pictogrammes. On choisit un pictogramme, on le glisse sur la carte et on le place sur le territoire à l’emplacement de son choix. A partir de là, toute personne est invitée à ouvrir le débat. Chacun des pictogrammes crée une bulle qui peut être débattue par des commentaires, et évaluée par des pouces de soutien ou d’opposition, la bulle grossissant à mesure qu’elle reçoit du soutien.
A la base de notre réflexion globale, nous voulions encourager un débat horizontal entre les citoyens pour inciter à évaluer, améliorer ou préciser collectivement les pensées des uns et des autres avant de les livrer aux urbanistes, à l’inverse du débat vertical ou frontal qui prédominait dans les concertations ou les réunions publiques, à l’époque où nous avons conçu la première version de l’outil. D’où cette idée, pour stimuler le débat et donner envie de participer, d’avoir des pouces de votes et des bulles qui prennent des dimensions proportionnellement plus importantes quand elles sont soutenues par plus de gens. Au moment de la création de la toute première version du site en 2013, c’était le début du décollage de Facebook qui proposait uniquement de mettre des pouces favorables, sans aucune possibilité de s’opposer. Pour nous, c’était important de permettre d’être également « défavorable », parce que la démocratie n’est pas un système de pétition où celui qui a le plus de signatures gagne. Il est indispensable de pouvoir montrer son opposition. A ce titre, la théorie des différents degrés d’engagement, que nous avions pu lire dans une certaine littérature du web participatif, a beaucoup inspiré la conception initiale du site. L’objectif était de proposer au public différents degrés de participation, plus ou moins complexes. Ça n’a l’air de rien, mais c’est important : on peut être un citoyen contributeur à la réflexion assez actif en rédigeant des propositions; dans un moindre degré on peut commenter les propositions des autres ; dans un autre degré d’engagement, encore plus léger, se connecter et se contenter de voter, puis dans un dernier degré simplement lire ce qui se dit.
L’idée d’origine de Carticipe-Debatomap était donc d’avoir un outil ergonomique, facile d’utilisation pour inciter à l’énonciation d’avis de citoyens, sans imposer de quelconques enjeux particuliers ou éléments de diagnostics techniques. Nous considérons que mettre en place un diagnostic participatif, en amont des diagnostics techniques, permet d’enrichir les expertises et la connaissance du territoire. C’est une forme d’expertise citoyenne . On en a désormais un certain nombre d’exemples, avec plusieurs dizaines d’expériences de ce type à notre actif, et des experts locaux souvent agréablement surpris par l’intérêt des expertises citoyennes qui émerge de ces démarches.
Et en pratique, quelles utilisations en avez-vous faites ?
Nous l’avons lancée pour la première fois en 2013 pour un Plan Local d’Urbanisme (PLU) à l’échelle de la commune de Laval, en Mayenne. Nous l’avions associée à des démarches de terrain, avec des ateliers dans des lieux publics et des maisons de quartier, où des animateurs saisissaient directement les idées sur la carte en ligne. Ces allers-retours entre le numérique et le terrain avaient permis un réel enrichissement des idées par un effet « boule de neige » entre la communication sur les réseaux sociaux, les contributions sur le terrain et celles des internautes.
Depuis cette première expérience, nous avons passé sept ans à développer différentes versions de cet outil cartographique participatif, qui a pris une place de choix parmi notre éventail de méthodes de concertation et de sociologie urbaine. Il a ainsi été mis à contribution sur une quarantaine de territoires et projets urbains différents, en France et à l’étranger. C’est d’ailleurs dans une volonté de développer des expérimentations à l’étranger que Carticipe est devenu il y a deux ans « Debatomap’ », un mot valise à base d’esperanto qui se comprend en italien comme en espagnol et qu’on devine aussi en approche anglophone ou francophone. Nous l’avons donc utilisé pour la concertation réglementaire de multiples projets, majoritairement dans le cadre de PLUI (Plan Local d’Urbanisme Intercommunal) ou de SCOT (Schéma de Cohérence Territorial). Nous en avons également décliné l’usage pour des démarches de projet à des échelles extrêmement variées, allant de quartiers bénéficiant de PRU (Projets de Renouvellement Urbain), comme aux Aubiers à Bordeaux ou dans le quartier de l’abreuvoir à Bobigny, en passant par des projets de centres-villes comme à Vannes ou Saint-Jean-de-Luz, jusqu’à un projet ferroviaire interrégional avec la concertation pour une nouvelle ligne Paris-Normandie.
L’outil a par ailleurs été adapté à d’autres utilisations selon les demandes des clients. C’était le cas par exemple dans le Val-de-Marne et à Saint-Etienne où il a pris la forme d’une carte participative d’actions citoyennes, ce qui nous a permis de tester de nouvelles fonctions et options, telles qu’une « échelle d’appréciation » sous forme d’émoticônes, en lieu et place des pouces de votes classiques. Mais toujours en gardant cette possibilité d’une évolution du score d’appréciation à la baisse et pas seulement une augmentation à sens unique.
Quels enseignements tirez-vous de ces expériences ?
De manière générale pour les démarches de PLU, cet aspect à la fois numérique et physique de concertation permet d’élargir les profils de populations qui s’expriment, de mieux partager les enjeux, et de mieux identifier les points de consensus éventuels ou les convergences collectives, mais également de mieux comprendre les points de dissensus ou de divergence de points de vue. Parfois, les élus ont une vision un peu monolithique des opinions de leurs populations, influencée par les portes-paroles associatifs ou les « portes-voix » de leur territoire. Avec les techniques qu’on utilise, on élargit souvent la participation à des catégories de personnes qui ne sont pas fréquemment consultées ni entendues. On pense par exemple aux familles avec enfants, et plus largement aux actifs d’âge moyen, qui ne viennent pas facilement aux réunions publiques, par manque de temps ou parce qu’ils ont d’autres préoccupations prioritaires. Parmi les réflexions pratiques et théoriques à la base de notre démarche, il y avait cet objectif d’élargir et de diversifier les publics de la concertation pour changer le point de vue des élus et des urbanistes sur ce que la population (en réalité les populations) pense et peut apporter à la décision. Dans le cadre du PLU de Laval, notre premier essai, nous avions déjà réussi à surprendre les élus et à leur montrer que quelque chose de plus constructif que ce qu’ils attendait pouvait sortir d’une concertation aussi massive, grâce notamment à cette approche « phygitale », mêlant outil numérique et rencontres publiques.
Par ailleurs, contrairement à ce que craignait certains de nos clients, nous avons constaté au fil du temps que la dimension en ligne de la carte n’était pas forcément synonyme de conflits et qu’il était finalement assez rare d’atteindre le fameux « point Godwin » – le moment ou des participants s’invectivent ou invectivent les pouvoirs publics – contrairement à ce que l’on constate sur les réseaux sociaux ou les commentaires de presse. A Laval par exemple, le maire était initialement assez dubitatif sur les apports de la démarche, car il craignait qu’elle génère davantage d’attaques ad personam que de contributions constructives. Mais il a été peu à peu convaincu, si bien qu’à la fin c’était lui le plus grand promoteur de la carte. La dimension cartographique associée à un cadrage en pictogrammes concentre le débat sur le concret. C’était une autre des hypothèses théoriques intégrées dès la création du site : cadrer le débat pour pousser les participants à détailler leurs envies, leurs besoins sur le territoire, proposer du concret plutôt que de s’invectiver sur des idées générales ou se contenter de constats plaintifs. Plus on limite les généralités, plus on a tendance à éloigner le conflit. Pour autant, on ne nie pas la controverse puisqu’il y a des fonctions de votes pour ou contre. Nous pensons justement qu’il est important d’assumer les controverses, centrées sur un sujet de débat précis et détaillé, et ce dès le départ, plutôt que de laisser pourrir des « conflits » qui correspondent plutôt à des débats centrés sur les individus, et se nourrissent le plus souvent de généralisations excessives et d’interprétations abusives des pensées d’autrui. En situation de conflit, pour une médiation par exemple, plus on va entrer dans le détail et dans le concret, plus on va trouver des points d’accord potentiels entre les uns et les autres. En découpant le problème en approche territorialisée, thématisée (en thèmes et sous-thèmes) on imaginait pouvoir trouver plus facilement des pistes de convergence collective, des sujets sur lesquels on pourrait trouver des tendances, soit consensuelles, soit de potentiels compromis sur des aménagements pouvant faire débat.
Notre mantra, c’est aussi de redonner la place au politique. Le rôle d’un élu est de faire un choix par rapport à différentes possibilités. Encore faut-il pour cela avoir des éléments de réflexion, de débat, de compréhension. Si on arrive à des consensus c’est très bien, mais c’est aussi en connaissant mieux les sujets et les motifs profonds de controverses que l’on peut produire une meilleure décision. En démultipliant le nombre de personnes qui s’expriment, on a plus de chances de retourner au concret et aux problématiques réelles des usagers. Carticipe-Debatomap est donc apparu comme un outil d’aide à la décision, un outil de concertation, mais surtout un outil très riche en contenu comparé à ce qui se faisait jusque-là en termes d’urbanisme réglementaire.
Et pour « Debatomap
2020 » cette année, quel a été le point de départ de la démarche ?
Il y a six ans, nous avons initié deux démarches, une à Strasbourg, l’autre à Marseille, autour des municipales de 2014 pour offrir un terreau expérimental élargi à notre outil et pouvoir ensuite le développer comme une offre pour des collectivités locales. Grâce à l’appui de partenaires médias locaux, Rue 89 Strasbourg et Marsactu, l’expérience a plutôt bien fonctionné puisque près de 1500 personnes s’étaient connectées, avaient écrit plus de 3800 contributions et exprimé environ 20 000 votes. La démarche constituait donc un succès en termes de participation, mais également en termes d’aura sur le plan local, où nous avions eu de nombreux retours positifs. A Strasbourg par exemple, les élus et techniciens des services nous avaient, peu de temps après l’élection, demandé l’accès à la base de données des idées, que nous avons finalement mise en accès libre pour tous, sur notre blog. Cela a aussi été l’occasion d’améliorer et de compléter les fonctionnalités de l’outil, avec un certain nombre de retours d’expériences d’usagers que nous connaissions sur ces deux villes.
D’ailleurs, dans ce genre de démarche, on est souvent confronté de la part des participants à la question de savoir quels seront les impacts de la participation sur les politiques menées, question qui se pose également et de façon d’autant plus légitime lors de concertations publiques. Le cadre de cette initiative-ci, avec des médias, ne permet pas de garantir que l’expression citoyenne aura une réponse certaine. Néanmoins, on peut estimer que, si on la relaie par la presse, elle peut avoir un impact. Il se trouve que ça en a eu un. On ne peut pas tout démontrer, car il y a des jeux d’influence diffus entre les articles de presse tirés de notre démarche et le cheminement des décisions locales, mais, en 2014, on a vu ressortir dans les programmes politiques dans l’action ultérieure des élus de Strasbourg et Marseille des suggestions qui avaient émergées préalablement sur la carte, notamment sur des thèmes de mobilités douces, de piétonnisation, de cyclabilité…
Nos démarches sur cartes participatives ont d’ailleurs souvent montré qu’une bonne partie de la population était beaucoup plus favorable à des engagements environnementaux « courageux » tels que la réduction de la voiture en ville, la politique piétonne ou la politique cyclable, bien davantage que ne se l’imaginaient certains élus ou techniciens. Parfois, il arrive aussi que des idées émises par les citoyens soient très proches de ce que les urbanistes avaient préalablement imaginé sans encore le rendre public. C’est un phénomène de « convergence spontanée » qui arrive de manière récurrente et qui n’est pas prévisible, mais qui est très utile pour mener à bien des politiques ambitieuses d’évolutions urbaines.
Toujours est-il que cette première expérimentation avait été plutôt encourageante. En voyant les élections municipales de cette année arriver, nous avons pensé que c’était l’occasion de retenter quelque chose à plus grande échelle. Sur ce point, le soutien de nos médias partenaires amplifie nos possibilités d’action : en dehors du cadre d’une commande publique, nous ne sommes pas limités à un territoire donné et pouvons proposer de débattre sur ceux de notre choix. Nous avons donc entamé la démarche à l’automne 2019 en nous rapprochant de médias locaux. Nous avions travaillé avec Marsactu et Rue89 Strasbourg à qui nous avons proposé de recollaborer, puis par pollinisation nous avons pu lancer un partenariat avec Rue 89 Bordeaux. Sur le Grand Paris nous travaillons avec notre partenaires associatif Métropop (avec qui nous avions déjà travaillé dans certains quartiers de la métropole) ainsi qu’avec EnlargeYourParis, blog culturel lié à Libération, et enfin avec Le Petit Bleuà Agen ou le Berry Républicain à Bourges.
Pourquoi avez-vous choisi ces sept villes en particulier pour Debatomap2020?
Nous avons choisi des villes qui nous intéresse et avec lesquelles nous avons des liens particuliers. En effet, je (Eric Hamelin) suis natif de Strasbourg, Benjamin (Hecht) est natif d’Agen et sa famille vit à Bordeaux, Paola (Gonzales) est arrivée en France à Lyon, Magali (Ottino) et Kamel (Bentahar) viennent de la grande agglomération d’Aix-Marseille. Pour Bourges, nous avions des contacts avec des personnes qui défendaient la revitalisation des centres-villes de villes moyennes, sujet qui nous intéresse particulièrement notamment suite à nos collaborations et ouvrages avec Olivier Razemon (auteur notamment de « Comment la France a tué ses villes »). Cette démarche était donc une occasion de développer le débat sur ces différentes villes, d’en comparer les problématiques en utilisant les mêmes thématiques et d’expérimenter quelque chose d’intéressant avec les médias locaux. Cela nous permet de viser des résultats un peu différents et en tout cas complémentaires de ce que nous avons l’habitude de voir avec les PLUI.
De manière générale, nous avions cette envie de nous impliquer dans le débat des municipales, avec toujours cette réflexion sur le sens du concret et le sens du compromis. Nous pensions qu’en associant nos réflexions théoriques et pratiques avec la diffusion de cet outil sur quelques villes qui nous sont chères, nous pouvions inciter des citoyens à s’exprimer dans la campagne sur du concret plutôt que sur la tête du candidat ou la course de petits chevaux municipaux. C’est-à-dire les inciter à se saisir de la question du projet concret pour la ville, par eux-même, sans s’en remettre à des programmes municipaux trop souvent ficelés à la va-vite par un nombre trop réduit de personnes. D’autant que les municipales concernent largement les questions d’aménagements urbains, de construction, de voirie et de transports, d’espaces publics, qui constitue une part importante des budgets communaux et intercommunaux. Ce devrait être l’occasion incontournable d’organiser des débats citoyens sur ces sujets… et c’est rarement le cas malheureusement car les campagnes municipales manquent de moyens financiers et de « temps de média disponible », et se limitent trop souvent à des questions de personnes et de jeux d’étiquettes.
Y a-t -il des différences avec vos démarches de concertation habituelles ?
La différence majeure entre cette initiative et les démarches officielles de concertation publique est qu’ici nous n’avons pas d’obligations de viser l’ensemble de la population locale. Nous nous appuyons sur nos partenaires locaux pour faire connaitre la démarche, faisons de la communication sur les réseaux sociaux dans la limite de nos moyens ici assez réduits, étant donné l’aspect non lucratif de l’opération . Nous avons moins de moyens, mais moins d’obligations, et ce n’est selon nous pas moins intéressant. Parmi les personnes qui s’expriment sur les cartes Debatomap 2020, certaines produisent en effet des propositions assez pointues, une forme d’expertise citoyenne « qualifiée » si l’on veut. Bien davantage que dans les démarches PLUi (Plan Local d’Urbanisme intercommunal), nous avons ici beaucoup d’idées argumentées de façon sophistiquée, s’appuyant fréquemment sur des liens externes pour nourrir leur démonstration, ou ajoutant des contributions illustrées par des schémas, des plans, des croquis. Les contributeurs sont possiblement plus instruits, ou alors se passionnent pour ces questions. Leur mobilisation est sans doute justifiée par d’autres motivations, d’autres intérêts que ceux qui s’expriment dans un débat public institutionnel officiel. Ce ne sera pas forcément représentatif de toutes les tendances ou aspirations locales, contrairement aux démarches pour des municipalités où nous allons jusqu’à solliciter le public sur les marchés pour assurer une diversification des participants, mais c’est intéressant sous un autre angle, car cela prouve la capacité d’une part de la population, tout de même assez conséquente, à apporter des idées solidement construites et argumentées. Nous ébauchons ainsi la démonstration de ce que pourrait être une « intelligence collective » productive et constructive en matière d’aménagement de la ville.
Justement, comment
avez-vous choisi les thèmes et pictogrammes de votre carte, pour cette édition
« Debatomap 2020 » ?
Nous avons décidé d’utiliser une même grille de thèmes pour travailler plus facilement à l’échelle de plusieurs agglomération simultanément, et pouvoir être dans la comparaison. Toutes les données sont en commun – contrairement à nos Debatomap institutionnels mis en place au cas par cas pour des commanditaires et pour lesquelles nous avons des grilles de thèmes spécifiques à chaque territoire – ce qui nous permet ici de suivre l’ensemble de ce qui se passe sur un même flux de données.
Pour ce qui est du choix des thèmes, nous sommes allés au plus simple. Ainsi on retrouve cinq thématiques générales, assez fréquemment utilisées d’après nos expériences précédentes : mobilités, environnement, urbanisme, économie locale et loisirs et services, chacune déclinée en cinq pictogrammes. Nous les avons structurés de manière plus ou moins détaillée en nous basant sur nos expériences des préoccupations des populations. On sait par exemple que la question des transports est généralement récurrente et mobilise facilement. En revanche, pour ce qui est des questions de logements et d’habitat, c’est un peu particulier car, avec nos retours d’expériences, on constate que le sujet du logement est moins mobilisateur que celui des mobilités, de l’environnement ou des commerces, certainement car il s’agit d’une problématique qui n’affecte fortement la vie d’un individu que quelques fois dans sa vie, au moment de déménager ou d’investir. On n’y est pas confronté de manière quotidienne, contrairement à d’autres problématiques qui permettent de mobiliser plus spontanément l’expertise des individus sur la ville. Dans nos démarche sur les Plans Locaux d’Urbanisme, qui ont pour objet de réguler la construction, c’est pourtant un sujet incontournable, pour lequel nous avons l’habitude de détailler des sous-thématiques par catégories de populations, par exemple « logements des jeunes, des personnes âgées, logement social… ». puis d’insister auprès des populations concernées pour qu’elles s’expriment sur ce point dans le cadre de rencontres publiques qui accompagnent la démarche numérique. N’ayant ici aucune contrainte , nous avons groupé tout les sujets habitat dans un thème « urbanisme » plus général, en y joignant les questions de patrimoine, de rénovation et de construction neuve.
S’agissant des contributions, constatez-vous l’émergence de problématiques ou de tendances particulières en 2020 ?
Comme c’était le cas en 2014, la thématique des mobilités est particulièrement populaire puisqu’il s’agit d’une problématique à laquelle tout individu est confronté quotidiennement (à l’inverse, comme nous l’avons évoqué précédemment, des questions de logements par exemple).
Cette année, nous constatons que les débats sur les mobilités se concentrent beaucoup sur la question de la diversité de l’offre et des modes de transport : Faut-il un tramway, un métro, une ou plusieurs lignes, des bus… Derrière ces questionnements, on peut lire des interrogations sur la stature de la ville : est-ce nécessaire pour une ville moyenne de se doter d’un tramway ou d’un BHNS pour assumer son identité d’agglomération ? Pour les métropoles, s’agit-il de donner la priorité au métro, ou au tramway au voir au tram-train, ou d’assurer un mix des deux comme suggéré à Marseille du moment que ce soit « à profusion » ? Ces problématiques ne sont pas nouvelles puisqu’elles avaient déjà fait débat dans les années 1980 ou 90, mais elles se reposent explicitement aujourd’hui. Elles peuvent même être profondément débattues, comme on peut l’observer à Lyon ou Bordeaux, où la question de savoir s’il est plus judicieux d’opter pour un métro ou un tramway est source d’importantes délibérations entre citoyens. Par ailleurs, la question de l’utilisation des transports aquatiques pour développer un vrai complément d’offre de transports en commun est soulevée, par exemple à Bordeaux, à Marseille ou dans la banlieue parisienne. Même si l’idée peut aussi être critiquée pour sa faible vitesse, par exemple à Strasbourg, ville dont les cours d’eau sont entrecoupés d’écluses, ce sujet pose la question de l’agrément des transports publics et pas seulement de leur performance.
En creux, les débats sur les transports en commun cherchent à répondre à la question suivante : quelle alternative efficace et durable à la voiture ? Et surtout, jusqu’à quelle échelle peut-on oser mettre en place ces alternatives ? En miroir, il y a très peu de choses sur la facilitation de la circulation automobile. Même dans le grand Paris côté « banlieue », territoire phare de la congestion automobile, les positions exprimées par des automobilistes semblent essentiellement se résumer aux questions de sécurité routière ou de stationnement préférentiel pour les riverains.
En parallèle, un autre débat semble émerger sur ces cartes quant à la possibilité de sortir les gros axes urbains des villes-centres. Nombreuses propositions vont dans ce sens comme à Strasbourg où un utilisateur a proposé la suppression de l’A35 en ville et un autre propose de la dissimuler sous un grand parc, ou encore à Marseille où l’idée est prise sous l’angle de la requalification de certains axes routiers. Dans l’ensemble, il ressort un besoin de pacification des voies urbaines et surtout de rééquilibrage entre les différents modes de déplacement.
Il y a également des sujets qui poursuivent des tendances déjà bien entamées auparavant. C’est le cas du vélo, dont on remarque la constance dans les idées. C’est un vecteur très fort de mobilisation à travers lequel une minorité active et éclairante nous donne accès à une véritable expertise de terrain. Il y a un réseau de cyclistes au sein duquel l’information circule largement et facilement. Des cyclistes, via des associations, se sont donc passé le mot à propos de la carte pour la remplir. Sur les sept dernières années, nous avons également observé la montée en gamme d’une expertise cycliste dans les propositions publiées, nourries de références, d’exemples pris ailleurs, de schémas cyclables dessinés, de services divers pour vélo (ateliers de réparation, borne de gonflage, …). C’est un milieu qui rassemble des connaissances très pointues sur le sujet. On retrouve ici cette question un peu lancinante de l’alternative à la voiture, notamment par rapport à son impact sur la qualité de vie en ville.
Toutefois, nous arrivons à identifier des problématiques inédites dans cette nouvelle expérience. On ressent notamment une forte prégnance des préoccupations environnementales qui se manifeste dans de croisement des questions d’aménagement des espaces publics avec celles de protection l’environnement. Cela s’observe parfaitement avec l’émergence du thème de la fraicheur urbaine et de la lutte contre les îlots de chaleur urbainedans plusieurs des villes concernées. C’est un sujet au cœur de nombreuses propositions citoyennes, qu’il soit abordé directement ou qu’il serve simplement d’argument pour verdir la ville. L’expression du besoin de plus de verdure en milieu urbain n’est pas nouvelle, c’est même une forme de constante anthropologique. Mais ce qui est assez original, c’est cette idée de sa dissémination dans toute la ville. Les demandes ne sont pas focalisées sur une grande place ou un grand parc, mais tendent plutôt vers la prolifération végétale. Les propositions pour lutter contre les îlots de chaleur sont déclinées de plusieurs manière, par exemple en verdissant les rails de tramway, les parkings, les cours d’école, ou encore les façades ou les toitures… Sur ce point, il y a véritablement convergence spontanée puisque des candidats ont fait de nombreuses propositions là-dessus. Néanmoins cet argument de la fraîcheur urbaine constitue une véritable nouveauté. Il y a comme un emballement climatique qui semble être le produit d’un « effet canicule ».
Deux exemples de contributions, l’une à Marseille et l’autre à Strasbourg, allant dans le sens de la lutte contre les îlots de chaleur et pour un verdissement de la ville.
Allant toujours dans ce sens, nous constatons que l’utilisation du pictogramme « espace public » sert notamment pour exprimer une volonté de reconquérir la chaussée et la transformer en lieux de vie. Cela se traduit par des idées d’aménagement allant de l’installation de « rues scolaires », type rue du jeu des enfants à Strasbourg, à des plans de piétonnisation plus ou moins étendus. Tout cela en proposant de reprendre de l’espace sur les places de stationnement, ou sur la voirie. Il s’agit donc d’un débat connexe à celui autour de la voiture et de sa limitation dans la ville. De manière générale, ces différentes tendances expriment un besoin croissant d’espaces de vie agréables en ville pour assurer une convivialité urbaine, une possibilité de s’aérer et de mieux supporter la densité.
Deux exemples de propositions portant sur le développement d’espaces dédiés aux piétons : une « rue scolaire » à Marseille et la piétonisation du cours Franklin et de ses contres allées à Lyon.
On remarque qu’il y a donc comme un quadriptyque de sujets qui semblent dominer les préoccupations citoyennes cette année et que l’on ne retrouvait pas de manière aussi forte lors dans nos démarches de concertation publiques ces dernières années : l’attente d’une « deuxième vague » de développement des transports en commun, la végétalisation comme élément de lutte contre le réchauffement climatique, la récupération d’espaces publics pour le verdissement et la convivialité, et enfin la demande de plus en plus large d’aménagements cyclables.
Quelles sont les suites de la démarche ?
Dans un premier temps, nous médiatisons avec nos partenaires les idées citoyennes ou les thèmes les plus populaires, au travers de publications d’articles (voir les liens des premiers articles ci-dessous) et sur les réseaux sociaux, afin d’inciter les candidats, puis les nouveaux élus et autres acteurs locaux à s’en saisir. Cela nous semble important que l’outil puisse générer des réactions relativement spontanées, car c’est une suite immédiate qui donne une motivation à s’exprimer aux contributeurs même si, à la manière des réseaux sociaux, cela peut induire une dimension superficielle. L’expérience nous a prouvé sur d’autres opérations que certains acteurs qui se saisissent eux-mêmes et un peu trop rapidement des contenus n’en retiennent parfois que le « hit parade » des idées récoltant le plus de votes. Alors que la richesse des contenus que nous collectons est parfois, voire même souvent, dans l’accumulation de nombreuses idées allant dans le même sens, sans pour autant qu’une seule domine.
A plus long terme, l’idée est de produire des synthèses ainsi que des articles d’analyses plus approfondis que nous publierons sur notre blog et diffuserons à nos partenaires. Nous pensons laisser la carte en ligne au delà de la période électorale de sorte à ce que les candidats fraîchement élus puissent s’inspirer des propositions citoyennes. En ce sens, nous mettrons sûrement à disposition les bases de données, comme nous l’avions fait en 2014. Etant donné qu’il ne s’agit pas d’un travail pour un commanditaire, nous ne sommes donc pas soumis à quelconque confidentialité. Même si les données personnelles seront anonymisées, les contributions resteront ainsi consultables sur le long terme.
Si l’on imposait, au niveau national, des directives pour le dé-confinement, dans le domaine des voiries urbaines, on pourrait croiser les initiatives parisienne et strasbourgeoise, en généralisant les 3 principes suivants.
1. Que la « zone de rencontre » (limitée à 20km/h) deviennent « la règle générale » dans les centres-villes.
A l’exemple de l’initiative strasbourgeoise pour les déplacements (concernant pour l’instant seulement la partie insulaire du centre ville, voir article en lien ci-dessous) :
Il serait judicieux dans la situation actuelle que la « zone de rencontre » (limitée à 20km/h avec accès libre aux piétons et vélos sur toute la chaussée, avec priorité des piétons, puis des vélos, sur les véhicules motorisés) deviennent « la règle », et la voirie à priorité automobile l’exception. De façon à s’assurer sur tout le territoire un rééquilibrage par rapport à l’avantage concurrentiel momentanée qu’acquiert la voiture en matière de sécurité sanitaire individuelle, en donnant au contraire un avantage de confort spatial et de priorité aux piétons, sur absolument toutes les petites rues et voiries secondaires.
La démarche pourrait également et bien sûr être complétée par la définition de « priorités cyclables » sur un nombre suffisant de grands axes permettant de distribuer toutes les grandes directions, selon le principe des « vélorues », très faciles à mettre en oeuvre, afin de faciliter les trajets à plus grande distance et vitesse pour les vélos. Le principe consiste à ce que les vélos aient simplement le droit de se tenir en milieu de chaussée et conservent la priorité sur toute cette chaussée, sans pour autant avoir besoin d’interdire les autres véhicules motorisés.
Un exemple de « vélorue » à Lille (pour changer) : https://auto.bfmtv.com/actualite/lille-inaugure-sa-premiere-velorue-1844805.html
2. Que les stationnements puissent partout se transformer en terrasses
Al’exemple du projet parisien pour les commerces, il serait utile que tous les restaurateurs de France obtiennent un « droit à l’extension de terrasse » pour les commerces deviennent la règle, sur les places de stationnements ainsi que sur la chaussée, jusqu’à 5m par exemple, et que la limitation de ce droit soit l’exception (quand par exemple deux commerces se font face, dans une rue mesurant moins de 16m, soit 5+5m et 6m laissés libres pour les déplacements des piétons, vélos ou véhicules)
Cela pour permettre aux cafés et restaurants d’espacer fortement leurs tables en repartissant certaines d’entre elles à l’extérieur, sans perdre un trop grand nombre de couverts ou de places, lorsqu’ils pourront rouvrir.
Par chance il se trouve que leur réouverture se fera en saison chaude.
3. Que le les autres types de commerces obtiennent également un « droit aux terrasses »
Sans en avoir encore d’exemple mis en oeuvre, eu égard aux pertes de chiffre d’affaires essuyées au printemps 2020 pour cause de confinement, il serait bon que le droit à une terrasse soit étendu à tous les types de commerces, sous forme d’étalage – car le fait de pouvoir présenter quelques articles ou étalages en extérieur pourraient peut-être faciliter la reprise d’activité d’un certain nombre de commerçant, sachant que la plupart devront limiter le nombre de clients simultanés en intérieur (et sachant que les espaces « confinés » semblent plus susceptibles de favoriser la contagion par « aérosols » c’est à dire par concentration dans l’air de gouttelettes volatiles, si l’on a bien compris les dernières études épidémiologiques…)
(EDIT Juin 2020 : )
Pour compléter ce bref billet, je vous offre ici un petit aperçu de quelques unes des sympathiques terrasses, parfois très créatives, que j’ai pu observer en cette fin de printemps sur des places de stationnements parisiennes et franciliennes. De quoi donner envie de prolonger l’initiative… perpétuellement !
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